Le poète est le législateur non reconnu du réel. (Percy Shelley)
Fait de langue, la poésie est aussi, et peut-être d'abord, « une manière d'être, d'habiter, de s'habiter » comme le disait Georges Perros.
Parole levée, vent debout ou chant intérieur, elle manifeste dans la cité une objection radicale et obstinée à tout ce qui diminue l'homme, elle oppose aux vains prestiges du paraître, de l'avoir et du pouvoir, le vœu d'une vie intense et insoumise. Elle est une insurrection de la conscience contre tout ce qui enjoint, simplifie, limite et décourage. Même rebelle, son principe, disait Julien Gracq, est le « sentiment du oui ». Elle invite à prendre feu. (Jean-Pierre Siméon)
Poètes dadaïstes et surréalistes, celle des poètes du Grand Jeu, de la Résistance, de la négritude ou de la Beat Génération... et Robert Desnos, poète insurgé, résistant, déporté, mort au camp de Terezin le 8 juin 1945 ; Nazim Hikmet, Aimé Césaire, Yannis Ritsos, Charlotte Delbo, ou bien encore Victor Hugo et Arthur Rimbaud.
Ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent. (Victor Hugo)
Zoom sur ...
Vladimir Maïakovski (poète, dramaturge et futuriste russe (1893-1930)
Elevé avec ses sœurs par sa mère dans des conditions misérables, il rejoint très vite les Beaux-arts et devient une des figures de la bohème moscovite. En parallèle, il s’engage politiquement en adhérant au Parti ouvrier social-démocrate de Russie (bolchevik). Son implication lui vaudra trois emprisonnements pour conspiration. C’est à cette occasion qu’il s’initiera à la poésie.
Toute sa vie est marquée par des amours tumultueuses et des prises de parti politiques qui l’amèneront à beaucoup voyager, notamment jusqu’au Mexique. Son activité est à la mesure de l’homme et des passions qui l’animent : Agitateur et propagandiste, directeur de revues, dessinateur d'affiches, auteur de théâtre, scénariste, acteur, conférencier, organisateur d'expositions ; ami de Khlebnikov, Pasternak, Roman Jakobson, Malevitch, Eisenstein ; amant d’Elsa Kagan (future Elsa Triolet) puis de sa sœur, Lili Brik dont il tombe éperdument amoureux.
Passion amoureuse, passion révolutionnaire et amour de la poésie alimentent un feu ardent qui masque des déchirures intérieures. Il meurt à 37 ans, en se tirant une balle dans la poitrine.
Aujourd’hui, on le vénère ou le déteste (il a été le poète officiel de Lénine) mais apparaît chez cet homme porté par les utopies et des échecs cuisants, le souffle puissant du poète et de l’orateur, dans une perpétuelle apostrophe au monde qui n’a eu de cesse de malmener la langue et déconstruire la poésie pour toujours plus de rythme et de puissance.
Je connais le pouvoir des mots ; je connais le tocsin des mots
Ce n’est pas le genre que les boîtes applaudissent
De tels mots des cercueils peuvent jaillir de terre
Et iront s’étalant avec leurs quatre pieds en chêne ;
Parfois ils vous rejettent, pas de publication, pas d’édition.
Mais les mots sacro-saints qui vous étouffent continuent à galoper au dehors.
Vois comme le siècle nous cerne et tente de ramper
Pour lécher les mains calleuses de la poésie.
Je connais le pouvoir des mots. Comme broutilles qui tombent
Tels des pétales à côté de la piste de danse rehaussée.
Mais l’homme avec son âme, ses lèvres, ses os…
[Au sommet de ma voix (1928-1930) Derniers vers inachevés]
Il serait impossible d'être exhaustif tant l'insurrection prend une place d'importance en poésie...
Petite promenade poétique avant de vous quitter... en compagnie de Charles Baudelaire et de Jean-Pierre Siméon !
Il faut être toujours ivre. Tout est là : c’est l’unique question. Pour ne pas se sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve. Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous.
Et si quelquefois, sur les marches d’un palais, sur l’herbe verte d’un fossé, dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l’ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est ; et le vent, la vague, l’étoile, l’oiseau, l’horloge, vous répondront : « Il est l’heure de s’enivrer ! Pour n’être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous ; enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. » (Charles Baudelaire, Enivrez-vous in Le spleen de Paris)
Je crois en ceux qui marchent
à pas nus
face à la nuit
Je crois en ceux qui doutent
et face à leur doute
marchent
Je crois en la beauté oui
parce qu’elle me vient des autres
Je crois au soleil au poisson
à la feuille qui tremble
et puis meurt
en elle je crois encore
après sa mort
je crois en celui
qui n’a pas de patrie
que dans le chant des hommes
et je crois qu’on aime la vie
comme on lutte
à bras le corps
(Jean-Pierre Siméon, Sans frontières fixes)
Retrouvez toutes les informations liées à la manifestation sur :
Commenter cet article